lundi 20 octobre 2014

Qui est le / la meilleure aquarelliste de France ?




Quelle étrange question?  Et pourtant je suis sûre que vous vous l'êtes déjà posée ou que vous la posez régulièrement  à vos ami(e) passionné(e)s par notre charmant medium de prédilection ...

La réponse aurait été plus simple à donner il y a une vingtaine d'années quand l'aquarelle n'en était qu'à ses balbutiements en France, alors qu'elle nageait encore dans les eaux tumultueuses des salons parisiens et banlieusards en tout genre, et que chaque village ou presque possédait sa valeur sûre en la personne d'un adorable vieillard ventripotent qui avait à son actif vingt cinq mille versions de l'église du coin ou du petit port de pêche attenant au bar du cru.

En 1992, Jean Louis Morelle n'avait pas encore eu l'opportunité de publier ce qui allait servir de bible à la plupart des aquarellistes qui le suivraient, personne ne connaissait le nom d'Ewa Karpinska et je ne sais pas qui collectionnait des aquarelles ...c'était de toute façon sûrement plutôt des Léonor Fini, des Raoul Dufy, des Marie Laurencin ou des Hillaire... qui s'entassaient alors dans les placards à papier à l'abri de la poussière et de la lumière (et accessoirement des crottes de mouche).

Bien malin aujourd'hui, dans la masse des expositions spécialisées es aquarelle, celui ou celle qui saurait donner les critères susceptibles de nous convaincre que tel ou telle peut prétendre au titre suprême de potentat de la feuille et du pinceau...

De même que pour la cuisine française, le genre "aquarelle" a éclaté ces dernières années. On en vient à ne plus trop savoir : "et ça c'est de l'aquarelle ?" entend-on devant les cimaises...Oui monsieur, suis-je tentée de répondre , de même qu'à présent dans un restaurant français haut de gamme le menu comportera une carte allant du bar au vinaigre fumé Tosazu au bouillon de poisson en passant par la cervelle de veau ou la compotée de coing, dans une exposition d'aquarelle digne de ce nom figurera nécessairement l'indispensable papier plastifié ou les finitions en dripping mélangées au gesso ...sans oublier les vernis en tous genres et les supports en aluminium.

On est bien loin de la question bateau tant entendue "papier coton ou cellulose ?" ...

De multiples influences ont forcé nos friables frontières et abattu nos fragiles colosses bien de chez nous qui prônaient la transparence et le petit gris Raphaël. A présent dans nos pinceliers, des pinceaux chinois côtoient des cartes à gratter et des calames ...Sennelier doit se battre contre Winsor et Blockx ...et la nomenclature chiffrée a remplacé  les noms chantants des pigments. Adieu le bleu de Delft et bonjour le PB15.

Les candidatures aux salons hexagonaux explosent et les français tentent de s'exporter... Tiendrons nous la route face aux écoles chinoises, américaines, russes, anglo-saxonnes, australiennes, indonésiennes, belges, espagnoles etc .. ??? L'aquarelle française est-elle prête à affronter cette déferlante ? J'aurais même envie de pousser la provocation jusqu'au bout en demandant : l'aquarelle française existe-t-elle ? Car nous sommes connus pour nos dissensions et nos querelles de castes et de chapelles bien plus que pour notre capacité à nous rassembler et à créer ensemble. Même si les expositions se multiplient, les initiatives visant à l'échange des connaissances restent bien trop confidentielles. Rares sont les initiatives qui dépassent les murs d'une cité, mise à l'honneur le temps d'un salon.
Bien sûr, il est impossible de décerner une médaille d'or en ce qui concerne l'aquarelle en France (comme quasiment partout ailleurs) ...Mais on aimerait pouvoir se référer à un groupe d'artistes qui auraient cette grâce tranquille, cette liberté amusée, qui pourrait guider le public français par un réel effort de communication,  dans un esprit fort et apaisé. 




Cet article me semble encore d'actualité, d'ailleurs il remporte un vif succès en terme de nombre de lecteurs depuis que je l'ai publié en 2012. Si le nombre de salons d'aquarelle semble s'être à peu près stabilisé , la plupart des aquarelles présentées sont loin de faire l'unanimité parmi les peintres d'autres médiums ou encore chez les collectionneurs généralistes.
L'aquarelle est encore la plupart du temps vantée comme "difficile" ou "technique" comme si ces deux critères devaient en faire sa qualité.
L'autre jour, en entendant une émission consacrée à l'art sur Arte, le commentateur commençait la présentation des peintures montrées en parlant en premier lieu de la composition...Hélas, ce n'était pas de l'aquarelle... comme j'aimerais parfois, entendre un amateur d'aquarelle parler de composition ... mais non, on me parle de technique et de difficulté ...
Il faudrait que les aquarellistes se souviennent qu'on attend d'un artiste qu'il soit un compositeur et non pas un copieur de photographie. La composition n'est pas seulement affaire de point focal. Tout compte, comme par exemple l'agencement des valeurs, la force du contenu, l'effet de surprise, la richesse des textures et le coup de pinceau...
Je crois qu'il y a encore bien du chemin à faire pour transmettre ces notions dans les ateliers afin que les expositions d'aquarelle deviennent enfin des expositions de peinture et non pas des expositions de copies de photo (ou pire des copies de copies...)
Heureusement quelques artistes relèvent ces défis et nous sortent nous, spectateur ravi de la copie réaliste et des sujets archi rebattus.
Ils ne sont pas difficiles à repérer dans les expos. Ils sont tout simplement différents.
Et c'est cette différence qu'il faut cultiver en chacun de nous pour un jour, peut-être, peindre.

2 commentaires:

  1. Tout est dit.
    Pas sûr d'avoir vu cet article sur ton ancien blog.
    Tu parles d'initiatives visant à l'échange de connaissances.. Mais comment cela pourrait se faire?

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    1. ça se fait déjà bien sûr, par les stages, les cours, les livres, les revues, les cd, les démos, les amitiés entre peintres, les réseaux sociaux...deux ans plus tard, ce qui me frappe c'est une certaine amnésie de l'histoire de l'art...pas sûr qu'un Cézanne ou une O'Keefe passerait la barrière d'un jury aujourd'hui ;)) ...et dans les réalisations qu'on peut voir, rares sont les aliens, tout semble si policé...Et pourtant... Kandinsky. :)) Voilà je pense que c'est ce qu'on ne dit pas assez aux aquarellistes : osez ! Au lieu de quoi on nous dit encore "une belle technique, une aquarelle pure, de la transparence", bien tempérée, comme au clavecin...l'aquarelle n'avance pas très vite et en tout cas, elle fait encore et toujours larguée auprès des galeristes pluridisciplinaires qui cherchent des regards neufs, et des mains audacieuses, et pas seulement des bons élèves de la peinture.

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