vendredi 26 janvier 2018

Cézanne ou l'art de déplaire




"Au début, lorsqu’il arrivait qu'une toile soit montrée au public, elle surprenait, dérangeait, choquait, provoquait l'hilarité ou le mépris"page 58

Dans son livre adressé à Cézanne, Charles Juliet évoque l'insuccès de celui qui est à présent considéré comme l'un des meilleurs peintres de notre histoire de l'art..." votre oeuvre a été en grande partie nourrie par tout ce qu'il a fallu vaincre pour être en mesure de l'édifier", "qu'on vous ait à ce point méconnu est somme toute conforme à la nature de la quête dans laquelle vous étiez engagé."page 61

A lire ce magnifique petit livre on aurait presque tendance à se dire que si personne n'aime les tableaux qu'on fait, si l'indifférence et la solitude sont le lot quotidien de plein d'aspirants artistes, c'est plutôt bon signe , signe qu'ils ont quelque chose ...de différent qui fait qu'ils n'ont pas encore leur place, mais que peut-être, si tout va bien, lorsqu'ils seront très très vieux ou très très morts, quelqu'un les déterrera et leur oeuvre avec eux, ou inversement, et qu'à la face du monde des investisseurs, collectionneurs et critiques de tous poils, ils entreront dans le monde des ventes aux enchères ... Ça fait drôlement rêver !








Evidemment , ce n'est pas aussi simple, et précisément,  rien n'est plus difficile à atteindre que la simplicité. "Je veux être simple. Ceux qui savent sont simples" Paul Cézanne

"l’œil et le cerveau, tous deux doivent s'entraider" Cézanne
Regard, sensation, personnalité, exigence de justesse mais aussi substance, fibre, soif, blessure, conflits, feu intérieur, Charles Juliet parvient à travers des mots choisis comme des galets sur une plage, un à un, en une cinquantaine de pages, à puiser l'essence de qui fut le peintre Cézanne.




"Il me plait que vous n'ayez pas eu de maître, n'ayez suivi aucune formation. Vous ne faisiez confiance qu'à vous-même, à ce que vous éprouviez, à l'obscure intuition qui vous guidait. Il est évident que l'art ne s'enseigne pas." Page 22



http://www.ina.fr/video/CPD06020123
Une vidéo de l'INA où Charles Juliet parle de Cézanne.








dimanche 14 janvier 2018

Animalement peintre



Cet été j'ai commencé ce grand tableau, pour faire un diptyque avec "rêve de chaos" (j'espère que certains d'entre-vous se souviennent, sinon, voir mon blog perso en lien "mes aquarelles").



Je l'ai d'abord retourné pour mouiller abondamment l'envers et bénéficier ainsi de beaucoup de temps pour travailler. J'aime improviser et mon projet est encore assez hésitant, il va me falloir un peu de temps pour "rentrer dedans" ...



Comme souvent je travaille en pyjama et en peignoir parce que si je m'habille je me fais régulièrement happer par les tâches du quotidien ordinaire et je n'arrive pas à me concentrer sur la peinture ... J'ai trouvé ce moyen dérisoire pour arrêter de procrastiner le démarrage de cette peinture. Je me dis parfois que si je peignais plus facilement, j'aurais déjà réalisé des centaines de peintures, mais je tergiverse beaucoup, et je doute tellement que plus de deux peintures sur trois ne voient jamais le jour. Je sais que je suis ma pire ennemie.




J'utilise la plus large palette possible ...pourquoi se priver ? Je peins désormais sans aucun a priori technique ou formel. En d'autres termes, je me fous de tout sauf de ma peinture !


Je vide le surplus d'eau dès que je suis sûre des dominantes à utiliser en premiers jus.


L'emploi d'un châssis est indispensable pour ça ...



Ne subsiste que le pigment bien accroché aux fibres du papier, je dépose dans la foulée les bases pigmentaires de ma panthère 




Je sèche l'envers car je décide de poser un peu de gomme à masquer et on ne peut déposer celle-ci que sur papier sec.


Voilà qui est fait. Le bas du tableau sera végétal. Il y a une heure, je ne le savais pas encore...il faut laisser les choses venir. Je remouille le fond et y laisse fuser différents bleus pâles encore hésitants.



J'ai collé quelques bandes de papier de soie, inspirée par le passage de Marie-Line Montécot à l'atelier . Elles symbolisent les barreaux d'une cage dont il faut s'échapper.


Après avoir posé la base bleue pour le fond, j'en éclaircis certains fragments afin de faire apparaître les magnolias. Mon tableau se construit, je cherchais ce qui pourrait relier la figure féminine et la panthère, les magnolias se sont immédiatement imposés à moi: la grâce du port de leurs branches, la délicatesse de leurs grandes fleurs blanches. A chaque fois que j'ajoute intuitivement un élément sur une de mes peintures je me documente, et là, je découvre que la symbolique du magnolia est la fidélité.
C'est parfait ! Je garde !




 Je fonce l'entourage de la panthère afin que son pelage doré ressorte davantage.


J'ai fait de même à droite, derrière le dos du personnage. Comme mon format est très grand je suis obligée de poser la palette et les pots d'eau sur un plateau ou sur une serviette éponge, afin de les avoir à portée de main sans risquer de salir mon aquarelle en devenir.





Au bout de deux séances de travail je vois un peu mieux où ce tableau m'emmène...ok, allons voir !












Sans franchir la porte, on peut connaître le monde



A quoi bon la franchir cette porte, si on peut la peindre ? C'est à Lao Tseu que j'ai emprunté la formule qui me sert de titre à cet article, car nous avons embarqué pour un pays plus chaud au cœur de l'hiver toulousain et cette porte marocaine est devenue notre sujet d'étude pour aborder la technique mouillé sur mouillé, confortablement installés au chaud à l'atelier.

C'est un bon sujet pour le début de l'année:
- pas trop de dessin, 
- les débutants ne se noient pas, et les confirmés peuvent naviguer un peu plus loin
- une bonne occasion de tester les qualités sédimentaires des bleus, notamment le ceruleum et l'outremer.

Je rappelle les particularités de chacun des bleus de notre palette:
ceruleum*, opaque et clair, sédimentaire
cobalt, léger et clair, peut sédimenter selon les marques
outremer, plutôt foncé d'emblée, sédimentaire
phtalo, transparent, intense, pratique en mélanges pour fabriquer des foncés
indanthrène, fuse beaucoup, intense


* Attention le bleu ceruleum de Schmincke par exemple, est en réalité du bleu Phtalo (PB15)
Toujours vérifier le numéro du pigment que vous cherchez. Ceci est vrai pour tous les pigments.
Voir ici

Pour avoir du vrai ceruleum il vous faut du PB35






Au moment de passer à l'étape des finitions, glisser une serviette éponge ou du papier absorbant en-dessous de la feuille mouillée permet de hâter le processus de matification.





Les détails se font en enlevés et à sec (ou presque).





Jacqueline, ma petite doyenne, applique à la lettre mes conseils et contrôle la brillance du papier avant de déposer le pigment ! (Attention à ton dos quand même !!) 



Anne-Marie se rassure en sortant sa collection de tubes, comme autant de divinités protectrices sur l'autel de l'aquarelle ...



Lorsque le papier brille, on ne peut que pigmenter 


Attention au jaune qui sous ses  faux airs de couleur "claire" est extrêmement teintant dans quasiment toutes ses nuances !



Mes tables permettent grâce à leur revêtement une adhérence parfaite pour le travail en mouillé.
Pas besoin de châssis pour un format aussi petit...mais ça va venir !



Lorsque le papier devient mat, on peut commencer les enlevés doux et les auréoles volontaires, qui ouvriront des blancs ou des clairs.



C'est souvent intéressant d'avoir une photo en noir et blanc lorsqu'on a des difficultés à bien percevoir et estimer la présence des sombres sur un sujet.


Pour déposer le pigment on utilise le pinceau en poils synthétiques, qui permet une meilleure maîtrise de la quantité d'eau nécessaire (et suffisante).

Ambiance sérieuse pour le cours du samedi !






Les bleus sont les couleurs que j'apprécie le plus en nombre dans ma palette.
On ne peut pas les fabriquer en mélange et leurs qualités propres en font des entités de caractères très différents, qui ont tous leur utilité en fonction des objectifs à atteindre.











Blogueuse d'un jour, blogueuse toujours



Je me fais un peu violence pour écrire sur mon blog chéri aujourd'hui après quelques semaines d'interruption. Pourquoi est-ce si difficile ?
 La transmission occupe le cœur de mon métier et me comble, je constate que j'éprouve moins qu'à mes débuts le besoin de communiquer sur la toile. M'adresser à des personnes au quotidien, des personnes qui sont devenues au fil des années des piliers de ma vie, des rendez-vous hebdomadaires où nous partageons nos aspirations et nos déceptions parfois ...suffit la plupart du temps à m'apporter toute satisfaction d'un point de vue professionnel.
Les petits nouveaux et les petites nouvelles qui rejoignent mes classes découvrent souvent un peu ébahis la somme d'articles que j'ai disséminés ici et sur overblog où subsiste mon blog nommé ici "archives". C'est vrai que ça fait un paquet d'années maintenant que j'ai commencé à retranscrire mes expériences dans l'aquarelle et la pratique de la peinture et du dessin.
Pour Noël je me suis offert l'impression des trois premières années de ce blog d'archives et ça a donné ça :




3 tomes pour une superbe expérience professionnelle et humaine
De 2010 à 2013 à peu près
Depuis 2002, je suis passée de mes 17 premiers élèves à plus de 70 par an qui s'inscrivent à mes cours. En moyenne ils restent chez moi entre trois et cinq ans mais nombreux sont les élèves qui sont à mes côtés depuis presque dix ans ...et plus.
Je profite de cette nouvelle année 2018 pour tous et toutes les remercier très chaleureusement !
Je discute souvent avec des collègues qui préfèrent la formule des stages, moins d'implication humaine, davantage de renouvellement ...je ne m'inscris pas dans cet état d'esprit, j'aime cheminer entourée de compagnes et de compagnons fidèles qui m'encouragent par leurs progrès et leurs remises en question, j'aime chercher le dépassement pour eux comme pour moi, et les étonner encore, et surtout qu'ils soient étonnés d'eux-mêmes , de ce qu'ils sont capables d'accomplir !







Ces livres leur sont dédiés. Ce blog leur doit tout.




Merci à vous de me suivre, de me précéder, de m'encourager et de vous dépasser !
Merci pour le record de 2936 visiteurs en juillet dernier ...j'en suis baba !