jeudi 12 février 2015

Quel papier pour quel aquarelliste ?



Lectrice assidue de blogs en tous genres concernant la peinture, je reçois et je lis pas mal d'articles techniques consacrés au choix du papier pour l'aquarelle.
Chacun a (il faut l'espérer quand on écrit un blog sur la peinture - mais souvent je me pose tout de même des questions-) ses propres expériences concernant les techniques. Par exemple, je ne me risque pas à donner des conseils à quelqu'un voulant travailler l'huile sur toile, car je n'ai pas fait suffisamment d'huile pour en connaître à fond toutes les propriétés.
Ce que je sais, n'en déplaise aux marchands de fournitures, c'est qu'il est bien rare d'avoir un excellent conseil en magasin. Les marchands, en général, suivent les avis des fournisseurs, qui ont tout intérêt à vanter les mérites de leurs produits.
Rien ne vaut les conseils d'un artiste expérimenté qui pratique - encore et toujours - son art.
Une toile, un papier, c'est bien plus qu'un produit, pour  un peintre.
Une toile, un papier, un pinceau, un pigment etc ... ce sont des compagnons de route sur les chemins de la création. Il s'agit d'y trouver son compte (financièrement, car beaucoup d'artistes ont peu de moyens), mais il s'agit surtout d'y trouver un accord entre le désir de peindre et la projection de la réalisation qu'on souhaite faire.
Choisir un papier ne se décide donc pas sur un coup de tête ou en lisant un dépliant.


Je ne peux parler que de ma propre expérience et des savoirs que m'ont transmis les artistes avec lesquels j'ai travaillé. Ceux -ci d'ailleurs ont peut-être, depuis le moment où j'ai pu faire un stage avec eux ou échangé, changé de papier en cours de route.

Au début de mon enseignement j'ai utilisé le papier Arches, d'excellente fabrication, ce papier français est l'un des grands favoris de nombreux artistes de pointure internationale.




Bloc papier Arches aquarelle - 300g - Grain fin
Le papier Aquarelle Arches est fabriqué sur forme ronde, gélatiné et séché à l'air. Sa composition 100% chiffon, sans acide et sans chlore lui assure résistance et stabilité. Ce papier vieillit sans jaunir et n'altère pas les pigments des couleurs.
C'est le papier qu’utilisait Corinne Poplimont qui fut mon premier professeur d'aquarelle. ;)
Ce papier est d'une grande exigence. Il n'autorise les repentirs que dans le frais, et requiert une grande attention au moment de la préparation des couleurs, car une fois déposés, les pigments s'enfoncent profondément dans les fibres de coton et ne pourront pas être beaucoup atténués, donc, pas vraiment d'erreur possible.

On peut , bien sûr, passer le travail sous l'eau si on veut atténuer des jus, ou des teintes trop violentes, mais les résultats en vue de corrections importantes seront mitigés. 

Mon avis : 

C'est un papier qui convient aux personnes patientes, attentives, appliquées, et humbles, qui auront la patience de faire et de refaire, au lieu de vouloir "rattraper". 
Le grain torchon ne camoufle rien, au contraire, il peut accentuer des erreurs de dessin, notamment au niveau des courbes, les cavités du grain ont tendance à fausser les lignes. Pour une plus grande précision, préférer le grain fin.
En outre ce papier supporte difficilement un trempage long (au delà de 10 minutes, la gélatine s'en va), il convient donc mieux aux techniques sèches qui ne nécessitent pas de trempage envers/ endroit.
La présentation sur bloc est idéale car on ne détache pas les feuilles avant la fin du travail et le papier reste assez longtemps bien attaché aux quatre coins (à condition de ne pas mouiller trop abondamment ou plusieurs fois la feuille).


Après quatre ou cinq ans de pratique en cours avec l'Arches, j'ai viré ma cuti et j'ai opté pour un papier en cellulose.

On retrouve dans l'opposition qu'on fait souvent entre les deux grands types de papiers classiques (coton et cellulose) la même opposition qui peut parfois exister entre les tenants des techniques "sèches" et des techniques "humides".
Des grands artistes utilisent les papiers en cellulose, qui n'ont plus rien à envier en qualité aux papiers à base de coton. Reine Marie Pinchon et Ewa Karpinska (site en construction à ce jour indisponible) l'utilisaient lorsque j'ai suivi des cours ou des stages en leur docte compagnie ;)) 






Ce papier existe sous plusieurs présentations, et tout comme l'Arches, on le trouve en blocs, en feuilles et en rouleau. 

C'est un papier qui se tend très bien sur châssis nu. D'un blanc plus lumineux que l'Arches, en grain fin, il est idéal pour les trempages longs et répétés. Je l'utilise en 300 grammes. Il supporte très bien les retraits de couleurs: dépigmentations et repigmentations, c'est là son grand atout. 

Par rapport au papier Arches, il supportera donc moins bien les glacis successifs et saturera plus vite.
Si vous voulez faire des glacis sur ce type de papier, utilisez de préférence un pinceau à lavis très doux ou une martre. Bien laisser sécher entre chaque passage.

Mon avis :

Ce papier, moins onéreux que l'Arches, conviendra mieux aux personnes aimant les expérimentations en mouillé sur mouillé.Attention de bien marquer l'envers, les retraits y étant moins efficaces que sur l'endroit. Prévoir un châssis nu d'une taille légèrement inférieure au format de la feuille pour pouvoir agrafer le papier sur l'envers de celui-ci. Vous pourrez de ce fait remouiller facilement juste l'envers de façon à ne pas du tout perturber les couleurs déjà déposées sur l'endroit, même en cours de séchage.
Une autre façon de l'utiliser en mouillé sur mouillé est de le laisser se plaquer sans appuyer sur une plaque de plexiglas qui maintiendra longtemps l'humidité dessous et dessus, et permettra également de déplacer facilement le travail.
Prévoir une serviette éponge.


Le papier que j'utilise avec prédilection depuis maintenant quelques années est le Moulin du Coq, le Rouge. Papier cellulose, il présente un grammage légèrement supérieur au Montval. D'un rapport qualité prix assez imbattable, je le conseille en format bloc de 100 pages aux élèves.




Pour mon usage personnel, je le découpe à partir d'un rouleau , ce qui me permet d'avoir des formats atypiques que j'affectionne. Je n'apprécie pas le côté ligné de l'endroit, qui donne un peu un aspect "toilé", et je l'utilise donc sur l'envers. Ses qualités sont les mêmes : retraits faciles, glacis successifs possibles dans une certaine mesure avec des martres douces.
J'aime beaucoup aussi le Cornwall de chez Moulin du Coq, mais il est plus difficile d'usage. Il permet de nombreux glacis.


Les autres papiers que j'emploie de façon occasionnelle sont nombreux, en voici deux, bien particuliers:

- le yuppo vendu par la marque Lana sous la terminologie "lanavanguard"






En polypropylène, ce "papier" (mérite-t-il encore cette appellation ??) permet tous les effets aquarelle (auréoles volontaires, dégoulinades, retraits etc ...). Il est très apprécié des artistes qui recherchent des matières, et de plus, étant très blanc, il est très lumineux et permet à la fameuse qualité de transparence de l'aquarelle de s'exercer dans toute sa splendeur. 
Mes élèves un peu iconoclastes l'aiment bien, car il ne faut pas avoir peur des surprises pour employer le yuppo. Les glacis sont ici hautement improbables, il faut tout miser sur le premier jet, mais comme ça sèche très très lentement, on peut beaucoup revenir dessus, voire tout effacer d'un magistral et débonnaire coup d'éponge et tout recommencer ! ;)
C'est donc un papier ludique, idéal pour se confronter aux particularités de l'aquarelle, sa fluidité, et les qualités intrinsèques de chaque type de pigment.
Je le déconseille aux personnes qui veulent "maîtriser" l'aquarelle...ou alors, comme thérapie :))





- Le papier satiné

Plusieurs marques commercialisent du papier satiné, mais bien sûr j'ai utilisé principalement Arches.
C'est le papier le plus exigeant que je connaisse, ou le plus limité...c'est selon. 
Pas de retrait possible, tout y glisse. C'est un peu comme un yuppo où on ne pourrait rien enlever...
il est utilisé par des artistes d'une grande précision ou qui ne repassent pas sur leur premier jet. Très blanc, il donne lui aussi, beaucoup de luminosité aux sujets traités.




Je ne m'en sers pas pour mon travail car je ne le trouve pas assez "plastique". J'aime la valse hésitation des pigments, j'aime pigmenter et dépigmenter, j'aime aussi brutaliser un peu le papier, le pousser dans ses derniers retranchements. Le satiné n'est pas pour moi, le temps de travail n'y est pas assez long. J'en apprécie néanmoins la lumière dans certains portraits notamment. En dessin, à la plume, pour moi, il est parfait.

Comment ne pas mentionner également le papier Sennelier, qui est aussi un régal de papier ...





En résumé, chacun trouvera un papier à sa convenance en fonction des exigences de sa pratique. 
Il n'y a pas un papier type qui convient par nature aux débutants ou aux artistes confirmés. Tout au plus, le rapport qualité/prix ou alors la technique visée par l'apprentissage en cours conditionnera l'achat de tel ou tel type de papier. Néanmoins, le fait de pouvoir laver facilement une partie du papier est très apprécié par les élèves, qui s'en trouvent rassurés et prennent ainsi plus vite confiance.
Les papiers sont plutôt à choisir en fonction des techniques qu'on aime utiliser, ou du taux d'humidité qu'on veut avoir pendant son travail. Un adepte des glacis n'utilisera pas le même papier qu'un adepte des enlevés...


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3 commentaires:

  1. Je vous lis régulièrement , et j'apprécie votre blog , malheureusement je n'habite pas votre région .C'est vraiment sympa de voir le travail de vos élèves , et vos articles me donnent envie d'explorer bien des choses en aquarelle , moi qui commence juste. Merci Calou

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  2. J'ai choisi d'exercer mon métier de la façon la plus ouverte possible, ne trouvant pas satisfaction dans l'enseignement de l'aquarelle tel qu'il est pratiqué la plupart du temps. Je ne souhaite pas enseigner "ma" méthode, non pas que je n'en ai pas, car beaucoup reconnaissent au premier coup d’œil une de mes aquarelles, mais je suis allergique au "clonage". ici, vous trouverez donc une grande diversité de pratiques aquarellistiques. Avec les élèves nous alternons techniques mouillées et techniques humides. Je leur montre aussi les techniques sèches que j'emploie en finitions, absolument nécessaires, comme l'estompage. Donc, si vous êtes un peu aventurier(e) ...c' est parti !! ;)) Bienvenu (e) ? !

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  3. Merci pour votre intéressant commentaire sur les divers papiers aquarelle. Je suis en effet parfois très surprise en testant certains de ces papiers, il faut vraiment chercher ceux qui nous plaisent .. et ceux qui nous résistent un peu aussi quand même!

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